“Il est temps de prendre nos rêves au sérieux et d’en faire une stratégie”. C’est une des devises d’un institut de prospective dans lequel j’ai travaillé, il y a déjà 2 ans maintenant, et dieu sait si cette phrase m’a parlé, portée. J’ai aimé la transmettre auprès de porteurs de projet innovants, de dirigeants, de personnes en transition professionnelle. Car elle venait toucher quelque chose de profond en moi, comme cette autre phrase, qui met en avant l’essentiel : la vie, l’en-vie plutôt que la solution.
“Dans la vie il n’y a pas de solutions ; il y a des forces en marche : il faut les créer et les solutions suivent”. Antoine de St-Exupéry
Pourtant, c’est seulement aujourd’hui que j’ai l’impression d’avoir vraiment intégré toute sa puissance et sa portée.
Un peu comme si j’avais eu tous les outils (c’est à cette époque que je me suis formée en prospective, en intelligence collective, en innovation organisationnelle etc) mais sans jusque-là les avoir pleinement utilisés. En tout cas sans avoir compris surtout qu’il était vraiment nécessaire de faire en sorte que chacun se les approprie.
Beaucoup de personnes que j’ai rencontré ces dernières années sont engagées, conscientes et informées des grands enjeux que notre société a à affronter : le changement climatique, les inégalités sociales, le monde du travail et les individus qui y souffrent… J’ai évolué dans cet écosystème, sans toujours m’y sentir vraiment à ma place, ni comprendre comment j’y avais atterri. Mais je m’y sentais bien et j’adorais les personnes avec qui je travaillais, les occasions de découvrir, d’apprendre alors j’y suis restée.
Sauf que je transmettais ces outils sans vraiment me rendre compte, un peu comme un Perceval qui trouve le Graal parce qu’il ne le cherche pas et ne saurait pas quoi en faire.
Aujourd’hui, je vois que ce qui m’a motivé à l’époque c’était une grande soif, d’apprendre, de me renouveler, une curiosité intellectuelle insatiable. C’est ainsi que j’ai été initiée, que j’ai appris toutes les choses qui permettent de révéler ce qui nous fait pleinement vibrer et de se mettre en mouvement pour les réaliser.
La tête était là, l’intuition aussi. Mais le cœur ?
Malgré ce que je me racontais en surface, je me rends compte aujourd’hui que j’étais au fond profondément convaincue que mes rêves n’avaient pas de valeur, voire que je ne savais pas rêver.
Que c’était possible pour les autres (et je le voyais et les accompagnais au quotidien), mais pas pour moi. Or, comment prendre au sérieux et réaliser quelque chose qu’on estime pas important ?
- C’est plus simple et confortable d’éviter de présenter les idées qui nous prennent aux tripes, pour ne pas risquer de se sentir incompris, de vivre le silence gêné de nos amis autour de la table ou le “bon là tu vas trop loin ma chérie” de votre grand-mère (#vécu). On préfère laisser cela à d’autres ou se dire que “c’est pas si important”.
- C’est compréhensible qu’à force de voir que toute initiative qui amène du renouveau est taxée de “rêve éveillé”, de “monde des bisounours”, on se dise que c’est mieux de revenir aux “choses sérieuses”, de prendre un boulot stable et tranquille plutôt que de se lancer dans des projets dont on ne peut assurer la viabilité et la réussite.
Pourtant…
Je me remémore un atelier auquel j’avais participé sur la renaissance au travail, et notamment le témoignage de l’intervenante qui racontait comment elle avait construit sa vie en suivant ses rêves (faire un one-woman-show, déménager au Népal, monter son entreprise, créer une agence artistique…). Après son intervention, nous avions été invités à partager en binôme nos rêves personnels.
Et j’ai été frappée par cette évidence : TOUS nos rêves sont simples, altruistes, joyeux.
L’un voulait se réaliser, s’épanouir, l’autre gagner assez d’argent pour gâter ses proches, voyager pour découvrir la diversité de l’humanité. Beaucoup d’entre nous voulaient faire « leur part » pour la fin des inégalités, l’épanouissement de tous, la paix dans le monde, la préservation de la biodiversité, l’accès à l’alimentation, à la justice… Ces rêves étaient beaux, ils le sont encore. Hélas, je doute que la majorité des personnes présentes se soient lancées pour les réaliser. Alors que toutes ces aspirations nous parlent justement de ce qui est vraiment important, même essentiel à nos vies humaines.
Chacun de nos rêves* est valable, sérieux, important. Car il contient une graine de ce que le monde sera demain. Tant que nous continuerons de valoriser le fait de rester dans des cases, les chemins tout tracés, de considérer les explorateurs d’autres manières d’être et de faire comme des “allumés”, des “perchés”, alors les choses continueront comme elles le sont aujourd’hui.
*(j’entends ici non pas nécessairement de devenir le prochain Barack Obama, mais de prendre au sérieux un projet, une idée qui vous est chère et avoir des papillons dans le ventre quand vous y pensez)
